2015 en Bretagne

Doyen de la flotte de Brittany Ferries, dont il est un des navires les plus emblématiques, le M/V Bretagne a soufflé cette année sa 26ème bougie de service. Lancé en 1989, premier « super-ferry » de l'armement breton, il fut assez vite détrôné de ce poste par le M/V Val de Loire en 1993. Cependant, il resta l'un des chouchous de la clientèle et du personnel de l'armement. Mais il est aussi mon chouchou, et c'est avec joie que je fais ce compte-rendu de son année 2015.

Un reportage d'Antoine.

M/V Bretagne arrivant dans le port de Saint-Malo.
M/V Bretagne arrivant dans le port de Saint-Malo.

Alors que Brittany Ferries vient de reporter son replacement, M/V Bretagne est le navire le plus emblématique de la flotte de l'armement finistérien. Malgré le poids de l'âge - il est le plus ancien navire à passager à avoir été exploité par Brittant Ferries - M/V Bretagne reste l'un des navires les plus confortables de la flotte, avec des aménagements intérieurs n'ayant pas à rougir lorsqu'ils sont comparés avec ceux de navires plus récents tel que le M/V Pont Aven. Mais le M/V Bretagne peut également se targuer d'une fiabilité sans faille.

Ce reportage retrace les deux traversées que j'ai pu faire à bord du M/V Bretagne en cette année 2015, en espérant que ce ne seront pas mes deux dernières à bord… Bon visionnage !

Jeudi 1er janvier 2015 : acte 1, Bonne année !

Cette année 2015 a bien commencé pour moi. J'avais prévu de me rendre en Grande Bretagne, l'aller et le retour devant être effectué à bord du M/V Pont Aven. Cependant, ce dernier fut décommandé un moins avant le départ pour le retour, devant se rendre en cale sèche… Heureusement, celui sur lequel on peut toujours compter était là, le M/V Bretagne.

A 20:15, le 1er janvier 2015 ce fut le départ de Portsmouth. Aucun autre navire de la Brittany Ferries ne naviguait ce jour-là, excepté le M/V Pont Aven qui revenait de sa croisière annuelle vers Rouen. A mon arrivée au port, je pus avec joie retrouver deux silhouettes familières en la nature du M/V Bretagne et du M/V Pont Aven, amarrés l'un à côté de l'autre. De part et d'autre des deux cousins, les M/V Commodore Clipper et Goodwill de Condor Ferries bénéficiait d'une rare journée de congé, avant de repartir vers les îles Anglo-Normandes dés le lendemain.

Le M/V Bretagne venait alors de Plymouth, dans la mesure où il était les semaines précédentes affecté à la ligne reliant Roscoff à Plymouth. Exceptionnellement, il présentait sa poupe au port de Portsmouth, sans doute en raison d'un quelconque caprice de sa porte d'étrave. Qu'importe, il était là. J'en profite alors pour prendre quelques photos de son garage, bien chargé à cette heure :

Après un délicieux repas, à l'habitude des services hôteliers offerts par l'armement, je me rendis sur le pont arrière pour assister à la manœuvre de départ. Mais je pus également assister au chargement du dernier véhicule, un splendide Double Decker rouge qui ne pouvais laisser un sensible un passionné de transports en commun. Une fois ce dernier chargé et la porte refermée dans un splendide concert de cloches, le départ fut donné. Mais celui-ci fut sans doute moins impressionnant que si le navire avait du faire demi-tour dans le port. Qu'importe, je me rattraperais à une autre occasion.

Puis, le navire s'élança dans le chenal de Portsmouth. Un début de traversée paisible, jusqu'à l'instant où le commandant annonça que l'accès aux ponts extérieurs était interdit… Cela était compréhensible au ressenti du vent, violent ce soir-là. Mais je ne pus guère voir l'état de la mer.

Cela annonça dés lors une traversée peu paisible – tant mieux pour moi, j'apprécie les mouvements du navire qui tangue, roule, ça aide à dormir comme dit l'autre… Mais avant de penser repos, j'ai tout de même fais quelques photographies des ponts extérieurs :

Une fois ces photographies faîtes, le temps était donné d'aller se reposer. Une fois allongé, je pus m'imaginer l'état de la mer. Le navire tanguait de façon importante (sur une amplitude que j'estimerait entre 50cm et 1m), et les retombées dans les creux étant particulièrement violentes, faisant vibrer la coque. Je doute que les douches aient remporté un grand succès ce soir-là, dans la mesure où il était quelque peu difficile de se maintenir debout. Tant mieux pour moi après tout, rien de bien anormal que de sentir un navire bouger avec les vagues. De plus, malgré l'absence d'ailerons stabilisateurs, le M/V Bretagne roulait extrêmement peu, témoignant de sa très bonne conception.

 

Le lendemain matin, l'arrivée à Saint-Malo se fit dans des conditions bien plus paisibles, le vent étant tombé et les vagues cassées depuis le passage du Cotentin. Pour assister à la manœuvre d'accostage, je me rendis au pont 9, juste en dessous de la passerelle. L'accostage est depuis cet endroit assez impressionnant, dans la mesure où on voit la poupe tourner pour se présenter à la rampe RoRo, sans nécessairement voir si elle ne risque pas de frotter. Mais l'accostage se fit en définitive en toute douceur et je débarquai ravi de ma traversée, sans savoir que nous nous reverrions bientôt.

Dimanche 02 août 2015 : acte 2

Ne pouvant me lasser de traverser la Manche à bord du M/V Bretagne, j'ai réservé une seconde traversée, toujours au départ de Portsmouth et en direction de St-Malo. Toujours aussi impatient de monter à bord de mon navire préféré, je fus le premier à toucher le pont 6 via la coupée. Dés mon arrivée à bord, je me dirigea vers la poupe du navire (cette fois-ci, la porte d'étrave n'avait manifestement pas de problèmes) pour y assister à l'arrivée du deuxième plus beau, M/V Cap Finistere. Seul regret, le soleil qui n'a pas joué en ma faveur :

Mais aussitôt le M/V Cap Finistere amarré, le devoir m'appela ailleurs… C'est ainsi qu'à 20 :00, je pénétrais dans la passerelle du M/V Bretagne, pile à l'heure pour assister au départ aux côtés du commandant. Ce dernier, avec 15 minutes d'avance, avait déjà commandé la fermeture de la rampe et de la porte d'étrave, et demandé au port l'autorisation de prendre le large.

Ainsi, le commandant dans ses préparatifs venait de réveiller Véronique, Sandra, Fabienne et Gwen, qui animaient à elles seules l'arbre d'hélice du M/V Bretagne, alors que le commandant travaillait légèrement sur l'inclinaison des pâles orientables des hélices pour décoller en douceur.

Lorsqu'il fut prêt, un officier donna l'ordre de prendre la mer « Avant, Arrière, on lâche tout ». Instantanément, les amarres tombèrent, se décrochant elles-mêmes des bites automatiques dont le port de Portsmouth est doté. Dans un vibrement de passerelle (« Ça fait ça quand c'est neuf » mon capitaine), et avec l'aide des deux propulseurs d'étrave, le M/V Bretagne s'éloigna doucement du quai et de la rampe.

Puis, une fois éloigné suffisamment du quai du port, le commandant procéda à la manœuvre de demi-tour, tout particulièrement impressionnante depuis la passerelle. Surpris par la facilité déconcertante avec laquelle le commandant du bord opérait la manœuvre, ce dernier me dit que ce n'est qu'après tout « une grosse voiture ». Ainsi, les commandants-pilotes de la Brittany Ferries (il faut en effet pour avoir le droit de manœuvrer un navire seul dans un port, avoir le titre de pilote, obtenu après un test écrit et des oraux, en particulier dans le port militaire de Portsmouth), ont l'habitude de faire demi-tour dans un espace exiguë, ne laissant que quelques dizaines de mètres entre la poupe que l'on voit définitivement assez mal et le premier navire amarré.

Une fois ce demi-tour effectué, ce fut l'heure de prendre le large, et le M/V Bretagne s'engagea dans le chenal du port de Portsmouth, où nous firent une nouvelle rencontre, en la matière du M/V Commodore Clipper.

Mais très vite, le navire s'engagea dans la pleine mer sous les instructions précises du commandant à l'intention de son timonier - « 180 » ; « 178 »…, chargé d'orienter le navire dans la bonne direction, c'est-à-dire, plein sud. A l'horizon commencèrent alors à se détacher des figures familières, comme M/V Mont Saint Michel (nous publierons bientôt dans ses colonnes un compte-rendu de voyage en son bord), et d'autres qui le sont un peu moins, tel M/V Baie de Seine.

Quelques minutes plus tard, nous croisèrent M/V Mont Saint Michel.

Puis ce fut l'heure de quitter la passerelle. Dans son extrême bonté, le commandant, originaire comme moi de Saint-Malo, me proposa de venir le rejoindre si je le souhaitais assister à l'arrivée du petit matin. Avec plaisir commandant.

C'est ainsi que je quitta la cabine, pour rejoindre des espaces un peu moins privés, profitant du confort toujours aussi élevé du M/V Bretagne. Mais malheureusement, omnibulé par la qualité des espaces passagers du M/V Bretagne, que j'étais il faut le dire, ravi de revoir une nouvelle fois, je ne sortis guère à temps pour faire une première rencontre avec M/V Baie de Seine – tant pis, nous irons le voir une prochaine fois.

Après un délicieux repas pris à La Baule (comprenons le nom du self service du M/V Bretagne, et non la ville de Loire-Atlantique), je me dirigea vers mon lieu de couchage. Cette fois-ci, ayant réservé sur le tard, les cabines étaient toutes complètes et je fis de mon affaire les salons de sièges du navire. Cela eut le mérite de me rappeler, une fois recroquevillé sur le sol, un précédent voyage, fait avec mon collège. Malheureusement, trop proche des bouches d'aération situées au niveau des baies vitrées, il faisait frais dans cet espace. Mais à ma plus grande satisfaction, l'oreille collée au sol je pouvais entendre les légers vrombissements de Véronique et Gwen qui me percèrent du mieux possible.

Le lendemain matin, après une nuit assez courte, je me réveillais pour parcourir les déserts espaces publics du M/V Bretagne, avant de me satisfaire d'un petit déjeuner léger. Je m'engagea alors sur les ponts extérieurs, où le personnel d'équipage arrosait le pont, afin d'éviter que ce dernier ne rouille sous l'action du sel marin – il ne manquerait plus que cela !

Mais vers 07:45, il était désormais temps d'assister au spectacle de l'arrivée depuis la passerelle du M/V Bretagne. A mon arrivée dans cette dernière, je fus assez ébloui par la lumière qui pénétrait dans ce lieu, où un calme parfait règne, au contraire des ponts passagers inférieurs.

Ce matin-là, c'est le capitaine qui était aux commandes du navire. En effet, les équipages des navires de la Brittany Ferries sont composées d'un commandant-pilote, parfois assisté d'un second commandant sur certaines lignes où le commandant ne peut pas prendre assez de repos durant son service. En suite, suit le capitaine, qui est un officier aspirant à devenir commandant au fil de sa carrière. C'est ainsi qu'il revient au commandant de le former, ce qu'il fit ce matin là. Il lui laissa ainsi les commandes, tout en surveillant de son côté que la manœuvre se déroule du mieux possible.

Pendant ce temps, je pris quelques photos des phares malouins :

Pendant que le capitaine donnait au timonier des instructions, le commandant m'expliqua que l'alignement du port de Saint-Malo, composé des lumières vertes du phare du Buron, du bout de la jetée des ferries, du phare des Bas Sablons et du phare de la Balue, situé plus loin sur terre, était un mauvais alignement. En effet, le chenal malouin est réputé pour la présence de nombreuses roches, et suivre cet alignement reviendrait à les chatouiller, ce qui ne ferrait guère bon ménage sur un navire de cet âge. Cela explique sans doute qu'au début de la compagnie, des navires de la compagnie les aient caressés par trois fois…

 

Mais diverses inquiétudes s'élevèrent en passerelle quand au fait que nous n'avions alors toujours pas croisé le HSC Condor Rapide, devant partir à 08:00 pour libérer la rampe principale au seigneur de la Brittany Ferries. Mais cela ne nous empêcha guère de nous approcher.

Puis, délicatement nous approchèrent de la jetée malouine. A ce moment-là, le capitaine commença à jouer de la position des pâles et des propulseurs d'étrave pour s'approcher du quai. Passés la jetée du môle, nous virent enfin le HSC Condor Rapide, immobilisé sur la rampe 1. J'appris la sentence quelques heures après : le navire était immobilisé suite à une panne de moteurs – les mauvaises langues dont Condor Ferries fait les frais ces derniers temps seront déçues de voir que cela n'arrive pas qu'au HSC Condor Liberation.

Mais revenons à notre manœuvre. Malgré une légère erreur d'estimation du capitaine, le M/V Bretagne se mit à faire demi-tour dans l'espace restreint compris entre la jetée des ferries et le phare du Môle des Noirs, présentant son étrave à la rampe n°02. La manœuvre est alors impressionnante, la jetée semblant petite perché à 30m de hauteur. La distance entre la poupe et la jetée était également plus importante que celle que celle séparant la proue de la jetée. Mais qu'importante, par un savant dosage de l'inclinaison des pâles d'hélice, cet écart fut vite comblé, malgré l'absence de propulseurs de poupe dont sont équipées des navires plus récents (M/V Armorique, M/V Pont Aven). Mais alors qu'une fois la poupe en place nous ne voyons guère plus la rampe RoRo, le commandant m'expliqua qu'ils arrivaient à se positionner grâce à des marques tracées sur la jetée. En effet, trois marques y sont dessinées - « ARM » ; « BR » et « PA », devant être superposées avec la passerelle. Rappelons que chez Condor Ferries, on procède différemment, un officier guidant la passerelle depuis la proue à l'aide d'un taltie-walkie.

C'est alors que les deux autres officiers présents en passerelle en sus du commandant et du capitaine quittèrent la passerelle pour aller superviser les opérations d’amarrage. De la passerelle où nous n'étions alors plus que trois, le capitaine s'efforça de maintenir le navire en place alors que les membres de l'équipage amarrait le navire. Pour se faire, ces derniers lançaient un bout léger aux dockers de Saint-Malo, qui les accrochant alors à des treuils, procédé risqué de part les risques de perte du bout auquel est accroché côté navire les amarres, la preuve, l'un de ces bout fut perdu et la manœuvre du être renouvelée.

Une fois le navire amarré, le commandant se dirigea vers la console centrale, afin d'offrir deux heures de repos à Véronique, Sandra, Fabienne et Gwen qui l'avait une nouvelle fois mérité. Puis le radar fut mis en mode standby.

Le commandant après avoir échangé avec moi de mes impressions et que je l'eus remercié pour son accueil, me raccompagna. Avant de quitter le port, je ne pus m'empêcher de faire quelques clichés de la plateforme avant du navire où le soir nous avions vu des passagers assister au départ depuis notre confortable niche du pont 10.

Puis, à mes plus grands regrets, je dus me résigner à quitter le bord via la coupée. Premier arrivé et dernier parti je fus du navire. Je retrouvai alors la terre ferme malouine, les vieux bus assurant la navette entre le navire et le port et nos remparts. Adieu M/V Bretagne, je crains que ce ne fut ma dernière fantastique traversée en ton bord.

2016 pourrait être sa dernière saison, et je suis malheureusement assez convaincu par cette idée. Mais son départ se ferra avec mes plus grand regrets, attaché comme je suis à un navire fantastique, à l'histoire grandiose, au nom si symbolique. Brave, le M/V Bretagne malgré sa fatigue a assuré presque toutes ses traversées prévues en 2015 au moment où j'écris ces lignes. L'incendie qui eut lieu sur l'un de ses générateurs le 1er novembre ne l'empêcha ainsi pas de prendre la mer. Mais désormais, j'ai la certitude qu'il est condamné, et il n'affronte plus des conditions météorologiques défavorables, préférant rester à quai, où il est en ce 23 décembre, pour quelques jours de repos toujours aussi amplement mérités.

Bonne navigation M/V Bretagne, et à bientôt je l'espère tout de même.

Je tiens à remercier vivement le commandant Le Josne, son état-major et son équipage pour cette traversée mémorable du 02 au 03 août 2015 ; pour leur disponibilité, leur accueil, et leur gentillesse. Je souhaite bon vent à l'ensemble de l'équipage du M/V Bretagne, en espérant recroiser leur sillage dans un futur plus ou moins proche, peut-être à bord d'un autre navire.

Mais en cette année 2016 qui s'ouvre, ce seront d'autres retrouvailles qui se feront, devant embarquer à bord de mon premier amour cet été, M/V King Seaways, ancien collègue du M/V Bretagne sur la ligne Saint-Malo – Portsmouth.